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LES SOUTIENS DE LA SOCIÉTÉ

KRAPP. — Je ne puis pas m’expliquer autrement ce qui se…

BERNICK. — Racontez-moi en quelques mots.

KRAPP. — Voici. Vous savez vous-même comme le travail allait lentement sur le chantier depuis que l’on a confié les nouvelles machines à tous ces ouvriers sans expérience…

BERNICK. — Oui, Oui.

KRAPP. — Aujourd’hui, en arrivant sur le chantier, j’ai remarqué avec surprise que les réparations du navire américain étaient très avancées. Le fond de cale, vous savez, qui était tout pourri…

BERNICK. — Oui, oui, eh bien ?

KRAPP. — Complètement réparé, en apparence, tout recouvert, comme neuf ! Aune, paraît-il, a travaillé lui-même toute la nuit, avec des lumières…

BERNICK. — Bien, bien, et puis ?

KRAPP. — Je suis descendu, j’ai examiné. Les ouvriers déjeunaient ; j’ai pu visiter le navire de fond en comble, sans que l’on me remarquât. Je suis même parvenu au prix de grandes difficultés jusqu’à la cale et j’ai fait là, monsieur le consul, d’étranges constatations,

BERNICK. — Je ne puis pas croire, monsieur Krapp ; je ne puis ni ne veux croire à rien de semblable de la part d’Aune.

KRAPP. — J’en suis désolé, mais c’est la vérité vraie. J’ai fait d’étranges constatations, vous dis-je. On n’a seulement pas posé de nouvelles solives, on s’est contenté de rejoindre et d’assujettir les planches. Un vrai travail de gâte-métier. L’Indian Girl, je le jure, n’ira pas jusqu’à New-York. Elle coulera comme du plomb.