BERNICK. — Crois-m’en, Lona, tu n’aurais pas été heureuse avec moi.
LONA. — Alors c’est pour mon bonheur que tu m’as abandonnée ?
BERNICK. — Penses-tu donc que ce soit par égoïsme ? Si j’avais été seul, libre, sans devoirs, certes j’aurais tenu les engagements du passé. Ah ! tu ne peux comprendre combien l’homme d’affaires est accablé par les terribles responsabilités qu’il porte ! Il devient, pour ainsi dire, étranger à lui-même. Réfléchis donc que la fortune ou la misère de milliers de gens dépendent de lui. D’ailleurs, la société à laquelle nous appartenons tous les deux n’eût-elle pas été profondément atteinte par la banqueroute de la maison Bernick ?
LONA. — C’est sans doute par considération pour cette société que, pendant quinze ans, tu as été fidèle à ce mensonge ?
BERNICK. — À ce mensonge ?
LONA. — Betty est-elle au courant de ce qui s’est passé avant et pendant ton union avec elle ?
BERNICK. — Pourquoi l’aurais-je blessée en lui faisant, cette confidence inutile ?
LONA. — Inutile, dis-tu ?… Oui, oui, tu es un homme d’affaires ; tu dois très bien connaître ce qui est utile et pratique. Mais, écoute, Richard, je veux à mon tour parler froidement, posément. Dis-moi, maintenant es-tu vraiment heureux ?
BERNICK. — En ménage, n’est-ce pas ?
LONA. — Oui.
BERNICK. — Oui, je suis heureux, Lona. Ton affection et ton dévouement n’ont pas été vains. Mon bonheur