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LES SOUTIENS DE LA SOCIÉTÉ

BERNICK. — Et pourquoi ?

MADAME BERNICK. — Ne pourrait-on l’arrêter pour l’argent qu’il a volé à sa mère ?

BERNICK. — Allons donc ! Quelle sottise ! Qui pourrait prouver que l’argent a été volé ?

MADAME BERNICK. — Mais, mon Dieu, toute la ville le sait. Toi même l’as dit…

BERNICK. — Pas du tout. Je n’ai rien dit. En ville on ne connaît de cette affaire que de vulgaires cancans.

MADAME BERNICK. — Que tu es noble, Richard !

BERNICK. — Laisse-moi tranquille avec cette histoire, te dis-je. Tu ne sais pas à quel point tu me fais mal en me la rappelant. (Il se promène de long en large et jette sa canne). Mais, par exemple, qu’ils aient choisi ce moment pour revenir, juste celui où j’avais le plus besoin de jouir d’une réputation irréprochable ! Les journaux des villes voisines vont publier des correspondances d’ici ; et que j’y sois bien ou mal traité le résultat sera tout pareil ; on fera des commentaires, on évoquera toutes ces vieilles histoires, comme tu le fais toi-même. Dans une société comme la nôtre… (Il jette ses gants sur la table). Et dire qu’il n’y a pas un homme avec qui je puisse m’expliquer, chez qui je puisse chercher un appui !

MADAME BERNICK. — Personne, Richard ?

BERNICK. — Non. Qui ? C’est juste maintenant qu’ils me tombent sur les bras ! A coup sûr, d’une façon ou de l’autre, ils feront quelque scandale. Ah ! c’est un vrai malheur d’avoir des gens de cette espèce dans sa famille !

MADAME BERNICK. — Ce n’est pas ma faute si…