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LES SOUTIENS DE LA SOCIÉTÉ

BERNICK. — Ah ! Ainsi… c’est… inutilement… (Il traverse rapidement la scène, ouvre violemment la porte de sa chambre et crie.) Krapp, empêchez l’Indian Girl départir, elle ne prendra pas la mer, ce soir !

KRAPP (de la chambre). — L’Indian Girl est déjà en mer, monsieur le consul.

BERNICK (d’un air altéré). — Trop tard !… Et tout à fait inutilement…

LONA. — Que veux-tu dire ?

BERNICK. — Rien, rien, va-t’en !

LONA. — Hum ! Écoute, Richard, Johann m’a prié de te dire qu’il me confiait le soin de son honneur, que tu lui as volé pendant son absence. Johann se taira ; mais moi je puis faire, ou laisser faire ce qu’il me plaira. Tiens, vois, j’ai ici tes deux lettres, je les ai dans ma main.

BERNICK. — Tu les as ? Et maintenant, maintenant, tu veux, dès ce soir… peut-être quand la sérénade…

LONA. — Je ne suis pas venue te dénoncer, mais te pousser à parler volontairement. Je n’ai pas réussi. Eh bien, persiste dans ton mensonge. Vois, je déchire ces deux lettres. Prends les morceaux. Les as-tu ? Nous n’avons plus aucune arme contre toi, Richard ; sois tranquille maintenant et heureux, si tu en as le cœur.

BERNICK (désespéré). — Lona, pourquoi n’as-tu pas fait cela plus tôt ? Il est trop tard, à cette heure, j’ai brisé ma vie !

LONA. — Qu’est-il donc arrivé ?

BERNICK. — Ne m’interroge pas ! Et cependant !… Il faut que je vive ! Il faut que je vive pour mon fils ! C’est lui qui expiera et qui réparera.

LONA. — Richard !