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THÉATRE

que si l’on avait attendu que l’on connût le projet d’un embranchement de chemin de fer, les propriétaires auraient exigé des prix exhorbitants.

LONA. — Oui, oui, mais…

BERNICK. — J’arrive au fait. On peut l’apprécier de différentes façons et seul un homme aussi unanimement honoré que moi peut l’avouer sans honte.

LONA. — Va…

BERNICK. — C’est moi qui ai tout acheté.

LONA. — Toi ?

JOHANN. — Pour toi ?

BERNICK. — Pour moi. Si l’on construit l’embranchement, me voilà millionnaire ; si on ne le construit pas, je suis ruiné.

LONA. — Tu es audacieux, Bernick.

BERNICK. — J’ai risqué toute ma fortune dans cette affaire.

LONA. — Ce n’est pas à ta fortune que je pense, mais si l’on vient à savoir que…

BERNICK. — C’est bien là le nœud de la question ; avec le nom sans tache dont je jouis, je puis accepter courageusement cette responsabilité et dire à mes concitoyens : « Voilà ce que j’ai hasardé dans l’intérêt général. »

LONA. — Dans l’intérêt général ?

BERNICK. — Oui, et personne ne mettra ma bonne foi en doute.

LONA. — Il y a pourtant ici des hommes qui eussent agi plus franchement, et qui n’eussent pas eu cette arrière-pensée, cette considération, etc…

BERNICK. — Lesquels ?

LONA. — Rummel, Sandstadt et Wiegeland, pardi !