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THÉATRE

BERNICK. — A l’heure même où j’ai le plus besoin de toute ma considération ! C’est impossible ! Pas maintenant.

JOHANN. — Je ne me préoccupe guère des bruits que tu as fait courir ; c’est de l’autre chose dont tu dois prendre la responsabilité !… Dina sera ma femme. Je l’épouserai ici même et nous vivrons ici.

LONA. — Ici ?

BERNICK. — Dina ?… Ta femme ?… Dans cette ville ?…

JOHANN. — Parfaitement. Je veux braver toutes ces hypocrisies et tous ces mensonges. Mais, pour je puisse en triompher, il faut que ma réputation soit intacte.

BERNICK. — As-tu réfléchi que si j’accepte la responsabilité de l’une de ces fautes, j’encourrai aussi la responsabilité de l’autre ? Tu me diras que nous pourrons prouver, par nos livres, qu’il n’y a pas eu d’irrégularité commise ? Mais non, nos livres étaient fort mal tenus. D’ailleurs, en admettant que je le puisse, qu’est-ce que j’y gagnerai ? N’en serai-je pas moins un homme qu’un mensonge seul a pu sauver et qui a laissé pendant, quinze ans ce mensonge s’étendre et grandir, sans rien tenter pour y mettre fin ? Si tu connaissais un peu notre société, tu comprendrais que cela seul est suffisant pour me perdre.

JOHANN. — Je n’ai qu’une chose à te répondre : j’aime la fille de Mme Dorff ; j’épouserai Dina ; nous vivrons ici.

BERNICK (il essuie la sueur de son front). — Écoute moi, Johann ; écoute-moi aussi, Lona. Je suis depuis quelques jours dans une situation tout à fait exception-