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CATILINA

Cette femme est mon bon génie et cela lui ferait tant de peine
Si elle connaissait tous mes doutes.
Je dois dissimuler ma souffrance ; cette heure
Calme et silencieuse, je veux la consacrer
A réfléchir sur mon existence manquée.
Ah ! la lumière de la lampe distrait ma pensée,
Il faut ici la nuit, la nuit comme en mon âme.

(Il éteint la lampe, mais les rayons de la lune pénètrent à travers la colonnade du fond.)

Trop de lumière ! trop encore !
Pourtant cette faible lueur lunaire
Concorde assez bien avec le clair obscur
Qui toujours rendit ma route indécise,
Oh ! Catilina ! ainsi ce jour
Est ton dernier. Demain
Tu ne seras plus Catilina !…
Loin, au milieu des solitudes de la Gaule,
Ma vie va s’écouler, anonyme,
Comme un ruisseau à travers une forêt.
Me voici brusquement réveillé :
Des rêves de grandeur, de pouvoir, de gestes superbes
Qui se sont évaporés, comme la rosée au soleil du matin,
Rêves qui s’épanouissaient librement dans mon esprit,
Jamais profane ne les a devinés !