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D'IBN KHALDOUN. 409

cette époque on était parvenu au dernier degré de la perfection dans cette partie. Partout (chez les musulmans), ces manuscrits se sont transmis de génération en génération jusqu'à ce jour, et ceux qui les possèdent les gardent comme des trésors précieux.

Dans le Maghreb, toutes les traces (de ce travail critique) ont to- talement disparu, parce que l'art d'écrire, de corriger des livres et d'en fixer le texte, sous la dictée des personnes qui les savaient par cœur, s'y est perdu depuis la ruine de la civilisation et sous l'influence des habitudes nomades'. On y copie encore quelques recueils et quelques livres classiques, mais ce sont des talebs berbers qui les transcrivent, et leur écriture est rude et inculte. Ces volumes sont tellement barbares par l'imperfection de leur écriture , par les fautes de copiste et les altérations du texte, qu'il est impossible de s'en ser- vir^ et que, à peu d'exceptions près, ils ne sont bons à rien.

Les recueils de décisions juridiques ont subi les mêmes altéra- tions : la plupart des opinions qu'on y rapporte n'ont aucun isnad qui les fasse remonter aux grands docteurs de l'école (de Malek). Les compilateurs se sont bornés à prendre ces sentences dans les premiers traités qui leur tombaient sous la main. A la suite de cela, p. 352. sont survenues les tentatives de quelques-uns, parmi leurs docteurs, qui ont voulu composer des ouvrages malgré le peu de connaissance qu'ils avaient de ce métier et dans l'absence de tous les arts qui sont nécessaires pour l'exécution d'un tel projet. Aussi, rien ne reste de cet art, excepté en Espagne, où il est encore possible d'en reconnaître quelques faibles vestiges qu'on distingue à peine et qui vont bientôt disparaître. Les sciences elles-mêmes sont sur le point de périr dans les pays de l'Occident. Dieu fait tout de sa pleine puissance.

Je viens d'apprendre qu'en Orient la pratique de corriger les ou- vrages sous la dictée des personnes qui les ont appris par la voie

' Danslev* siècle de l'hégire, les Arabes n'ont jamais pu s'en relever. — ° Litté-

nomades établis dans la haute Egypte en- rai. «que ce sont des livres clos pourqui-

vahirenl l'Ifrikiya et le Maghreb, et dévas- conque voudrait les parcourir. » tèrent ces contrées à un tel point qu'elles

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