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molation (de la huppe) ne s'effectua pas; de même, dans le passage où se trouve le mot JysîL»' avec un ya de trop^, ils disent que c'est pour indiquer la perfection de la puissance divine, et ainsi du reste. . Ce sont là des assertions gratuites et dénuées de tout fondement. Ils ont eu recours à de pareilles subtilités dans la pensée que, par ce moyen, ils écarteraient des Compagnons tout soupçon d'erreur et de faute contraire aux règles de l'orthographe. S'imaginant que la con- P. 3/13. naissance de l'orthographe était une perfection, ils n'ont pas voulu qu'on pût croire qu'aucune perfection ait manqué aux Compagnons, et leur ont donc attribué la perfection en fait d'écriture (ou ortho- graphe). Ils ont donc cherché des raisons pour justifier ce qui, dans le Coran, s'éloignait des règles ordinaires.

Cette opinion est mal fondée : l'écriture n'était pas une perfection par rapport aux Compagnons , puisque cet art est un de ceux qui ap- partiennent à la civilisation née dans les villes et qui sont des moyens de gagner sa vie, ainsi que nous l'avons établi précédemment. La per- fection dans les arts est une perfection relative et non absolue, puisque son absence ne porte aucun préjudice à l'essence de la reli- gion ni aux qualités morales : cette ignorance n'a d'effet que sur les moyens de gagner sa vie, et son influence est toujours en raison du degré de la civilisation et du secours réciproque qu'on trouve dans cet art pour se communiquer ses pensées. Le Prophète ne savait ni lire ni écrire, et cela était pour lui une perfection : son ignorance convenait à la hauteur de sa position et à sa dignité^, qui le mettait au-dessus de la pratique des arts industriels, simples moyens de subsistance et produits de la civilisation. Pour nous, au contraire, l'ignorance ne serait pas une perfection. La raison en est que le Prophète devait être uniquement en rapport avec Dieu, tandis que nous , nous devons nous aider les uns les autres afin d'assurer notre existence dans ce monde. C'est là le but naturel de tous les arts et

Dans ce passage, les Compagnons ont ' Pour j>LJf, lisez «Uf.

écrit !S «non,» à la place de J «certes.» ' Je lis **y*j'3 *Jv^ tj\sL» , avec les-

' Coran, sour. n, vers. U']- nianuscrits C, D et l'édition de Boulac.

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