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384 PROLÉGOMÈNES

sans cet art, les individus dont elle se compose n'obtiendraient pas ia plénitude de leur être, à l'exception, toutefois, de quelques per- sonnes que Dieu a créées avec une existence parfaite, soit en opé- rant un miracle, soit par une grâce tout à fait extraordinaire, comme cela a eu lieu pour les prophètes; ou bien Dieu leur donne un instinct directeur au moyen duquel ils perfectionnent leur existence sans le secours de cet art. Des miracles de cette espèce sont fréquem- ment arrivés. Tel fut celui de la naissance du Prophète, qui vint au monde circoncis et avec le cordon ombilical coupé; il y entra en ap- puyant ses mains sur la terre et en levant sa figure vers le ciel. Tel fut aussi celui de Jésus (qui parla étant encore un enfant) au berceau.

Quant à l'inslinct, on ne saurait le nier. Puisque les êtres ani- més, tels que les abeilles, ont des instincts très-remarquables, les hommes , êtres d'une classe bien supérieure , doivent en avoir, à plus forte raison; surtout les individus que Dieu a voulu favo- riser. L'impulsion qui porte tous les nouveau-nés vers le sein ma- ternel montre clairement que l'espèce humaine a des instincts ; d'ailleurs , qui saurait comprendre toute l'étendue de ia provi- dence divine .»>

Cela nous fait apercevoir la fausseté d'une opinion énoncée par El-Farabi et par les philosophes espagnols, quand ils essayaient de prouver que l'extinction des espèces ne peut pas avoir lieu et qu'il est impossible que les êtres sublunaires, et surtout l'espèce humaine, puissent cesser d'exister. « Si, disent-ils, tous les individus qui com- posent cette espèce venaient à périr (à l'exception des femmes en- ceintes), la permanence de cette espèce serait impossible, parce P. 332. qu'elle dépend d'un art (celui des sages-femmes) sans lequel l'homme n'arriverait pas à une existence complète. Et supposons que l'enfant se puisse passer des services rendus par cet art et vive jusqu'à l'é- poque du sevrage, il sera dans l'impossibilité de se maintenir en vie. Sans la réflexion, point d'arts, car ils en sont les produits et les conséquences. » Avicenne a entrepris de réfuter cette opinion; elle lui répugnait parce qu'il admettait comme possible l'extinction des espèces

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