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28 PROLÉGOMÈNES

étaient très-recherchées parles amateurs du beau style, parce qu'elles oflraieut des exemples de toutes les manières d'exprimer une pensée avec précision. On rapporte même que ces taoukiâ se vendaient cha- cune au prix d'une pièce d'or. Voilà ce qui se pratiquait dans les em- pires d'autrefois.

Pour remplir une place de cette importance il fallait nécessairement une personne appartenant à une des classes élevées de la société, un homme grave et honorable, doué d'un grand savoir et du talent de bien exprimer ses idées. En effet, un secrétaire est tenu de se montrer versé dans les principes de toutes les sciences, vu que ce sont des matières dont il est souvent question dans les réunions qui ont lieu chez le sultan et aux audiences qu'il tient pour l'admi- nistration de la justice. Le secrétaire, étant obligé par son emploi de fréquenter la société du prince , doit aussi se distinguer par un grand savoir-vivre et par des manières agréables. Ajoutons que, pour ré- diger des lettres et exposer en bon ordre les choses qu'on e.st chargé de communiquer par écrit, on doit connaître parfaitement tous les secrets du beau langage.

Dans quelques empires, la charge de secrétaire se confiait à un P. 2/1. homme d'épée. Cela tenait à la nature même de ces empires; la sim- plicité de la vie nomade y prédominait encore et éloignait (les esprits) de la culture des sciences. Le sultan réservait aux membres de son entourage tous les emplois, toutes les charges, tant d'épée que de finance et de plume. Mais on peut fort bien remphr un emploi d'épée sans avoir reçu de féducation, tandis qu'on est obligé d'étudier si l'on veut se faire attacher à l'administration des finances ou au secrétariat. Dans l'une, la connaissance de l'art de calculer est indispensable, et, dans l'autre, celle des secrets du beau style. Ces gouvernements furent par conséquent obligés de confier les emplois financiers et les places du secrétariat à des individus appartenant à la classe de la population qui avait fait des études; mais on plaçait ces employés sous le contrôle de chefs attachés à la maison du sultan, de sorte qu'ils ne pouvaient rien faire sans leur autorisation. Il en est encore ainsi dans l'empire

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