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richesses, il en demeure totalement privé. De là vient l'opinion gé- néralement reçue que le savant accompli n'obtient jamais les faveurs de la fortune , que ses connaissances acquises lui tiennent lieu de ri- chesses, et que c'est là la portion d'opulence que la Providence lui a départie. Cela revient à l'idée (exprimée par ce proverbe) : «L'état pour lequel une personne a été créée lui est rendu supportable. » Dieu est le souverain dispensateur; il n'y a point d'autre seigneur que lui. La disposition d'esprit que nous venons de signaler amèn^ parfois un bouleversement dans les rangs de la société : elle élève aux grandes dignités beaucoup d'individus appartenant aux classes inférieures ' et en fait descendre beaucoup d'autres qui appartenaient aux classes supérieures. En effet, lorsque les empires ont atteint leur plus haut degré de puissance et de domination, et que l'autorité suprême se trouve entre les mains de la famille qui a fondé la dynastie et qui a pour repérsentant un roi ou un sultan, les autres (personnages de l'Etat), n'ayant plus alors aucun espoir de parvenir au pouvoir, vont P. 294. se ranger dans les classes subordonnées, et deviennent, pour ainsi dire, les serviteurs du souverain. Avec la durée de l'empire et l'ac- croissement de sa puissance, les personnes attachées au service du prince, tous les individus qui se sont rapprochés de lui par leur dévouement, et tous ceux qu'il favorise à cause de l'habileté qu'ils ont déployée dans la direction des affaires qui l'intéressent, se trou- vent placés sur un pied d'égalité. Voilà pourquoi nous voyons une foule de gens appartenant aux classes inférieures travailler avec la plus grande ardeur à se rendre agréables au souverain et à capter sa bienveillance, en remplissant avec un entier dévouement les com- missions dont il les charge. Pour arriver à leur but, ils lui montrent une profonde soumission et ne cessent de lui faire leur cour, et non- seulement à lui, mais aux officiers de sa maison et aux membres de sa famille. Une fois qu'ils ont pris pied parmi les courtisans et qu'ils se voient rangés au nombre des serviteurs du prince, ils ne

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