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en population; et, si l'on continue ce rapprochement en descendant jusqu'aux simples hameaux, où les habitants travaillent uniquement à se procurer les moyens de vivre, sans pouvoir toujours y réussir, ces différences se font encore remarquer. Elles ont pour cause celles qui existent entre les quantités des produits industriels foiu-nies par ces villes. Chaque ville peut être regardée comme un marciié où ces produits s'écoulent. Or, dans chaque marché, les dépenses faites sont en proportion de son importance; ainsi les recettes du cadi de Fez suffisent à ses dépenses, et il en est de même pour le cadi de Tiemcen. Plus les recettes et les dépenses sont fortes dans une ville, plus les richesses y sont abondantes. Il en est ainsi à Fez , parce que les produits s'écoulent rapidement pour satisfaire aux demandes du luxe; aussi cette ville est-elle dans un état très-prospère. A Cran, à Constantine, à Alger et à Biskera, l'on peut remarquer (la même pro- portion entre les dépenses et l'importance de la ville); et cela se revoit partout, jusqu'à ce qu'on descende aux bourgades, dont les produits ne suffisent pas aux besoins de la population, parce qu'elles appartiennent à la catégorie des villages et hameaux. Voilà pourquoi nous trouvons' les habitants des petites villes dans un état peu aisé et presque aussi pauvres les uns que les autres. En effet , les pro- duits du travail ne suffisent pas, dans ces localités, aux besoins des habitants; aussi ne possèdent-ils pas une surabondance de produits qu'ils puissent amasser en vue du gain, et dont ils puissent tirer des bénéfices. Cela fait qu'à quelques exceptions près ils sont mal à leur aise et dans la misère. Le principe que nous avons exposé se re- connaît encore quand on regarde l'état des pauvres et des mendiants. Dans la ville de Fez, ces gens sont dans une position bien meilleure que celle des mendiants de Tiemcen et d'Oran. J'ai vu, dans cette première ville, des pauvres qui, au jour de la fêle du sacrifice^, demandaient la huitième partie de chaque victime; ils exigeaient même des choses de luxe, de la viande, du beurre, le prêt des cui-

' La particule L« est oxplélive. — ^ Le i o du mois de dhou '1-hiddja.

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