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D'IBN KHALDODN. 125

aussi à peine trouve-t-on chez eux un individu qui songe à désobéir au gouvernement ou à se mettre en révolte contre lui. Bien plus, tout le monde blâmerait l'auteur d'une pareille tentative, et s'y oppo- serait. Celui qui essayerait d'opérer un soulèvement ne le pourrait pas , quand même il y mettrait tous ses efforts.

Il arrive quelquefois que les empires réduits à cet état sont plus qu'auparavant à l'abri d'insurrections et de révoltes. Cela tient à la teinture forte et solide que les habitudes d'obéissance et de subordi- nation ont laissée dans les esprits; les sujets sont presque incapables de former le projet d'une révolte; à peine pourraient-ils concevoir l'idée de désobéir au gouvernement. L'empire est donc bien garanti contre les mouvements populaires et les insurrections qui auraient nécessairement lieu s'il s'appuyait sur un parti ou sur une tribu. Il continue ainsi jusqu'à ce que sa vitalité s'éteigne, ainsi que s'éteint la chaleur naturelle du corps quand on le prive d'aliments. Enfin son heure prédestinée arrive; le terme de chaque chose est écrit; la durée de chaque empire est fixée d'avance, et Dieu a réglé la longueur de la nuit et du jour.

Passons au préjudice que l'Etat ressent du côté de ses finances. Dans Un empire qui commence, la civilisation est celle de la vie P. nomade, ainsi que nous l'avons dit, et le caractère de son adminis- tration est la douceur envers ses sujets et la modération dans ses dépenses; il ne met pas la main sur les biens de ses administrés; il ne cherche pas à augmenter ses revenus, il n'emploie pas des moyens adroits et raffinés ' pour se procurer de l'argent, et il ne contrôle pas avec trop de rigueur les comptes de ses agents et percepteurs.

Comme rien n'oblige l'empire à faire de grandes dépenses dans cette époque de son existence, il n'a pas besoin de beaucoup d'ar- gent; mais, quand il est parvenu à consolider sa domination et sa puis- sance, il ouvre la porte au luxe, et cela l'entraîne dans des frais bien plus grands qu'auparavant. Les habitudes de dépense contractées par le sultan et les grands officiers de l'empire vont en croissant et se

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