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LES FOULES DE LOURDES

électriques qu’on allumait le soir ! on la jugerait, dans une exposition de Paris, courte et savonneuse, sans aucun caractère religieux, mais ici, elle fulgure, admirable, en face des infernales fantaisies de la maison Raffl.

Quel évêque atteint d’ablepsie, quels églisiers, agités par des forces mauvaises ont commandé et accepté de telles choses ?

Et ils ont commandé et ils ont accepté pis encore. Sans parler de la Vierge en fonte peinte de l’esplanade, auréolée d’un cercle d’amandes électriques et dont la tête de raie, aux yeux laiteux et aux joues livides, est celle d’une démente évadée d’un asile, il faut, si l’on veut voir jusqu’où peut atteindre l’acuité du laid, grimper les lacets du coteau des Espélugues où l’on a commencé à planter un chemin de croix. Une station y est posée sur un tertre, entouré d’arbres.

Ici, les invectives défaillent. Imaginez des statues détachées d’un chemin de croix de la rue Bonaparte ou de la rue Saint-Sulpice, devenues deux fois plus grandes que nature, et campées en plein air et se découpant sur le ciel, en plein jour.

Au centre est assis un bonhomme dont la face glabre serait celle d’un fond de culotte si elle n’avait deux yeux et, autour de cette poupée de taille démesurée, des comparses aux traits fades et secs, aux gestes pétrifiés, cernent une statue, debout,