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trouvé naturel que son mari se saignât aux quatre membres, qu’il trimât ainsi qu’un mercenaire, à seule fin de lui fournir le pouvoir de dépenser plus.

Son père en était quitte à bon compte, et il avait pour récompenser de ses largesses la gratitude câline de la femme, André pas. Elle eût regardé d’ailleurs les plus durs sacrifices qu’il se serait imposés comme lui étant dus ; il n’eût même pas été dédommagé de sa peine par un peu de reconnaissance.

Il ne méritait, pensait-elle, ni encouragement, ni pitié. Il était imbécile et maladroit ! Quand on songe qu’il n’avait pas seulement eu l’adresse de profiter de cet avantage de tous les écrivains : obtenir des billets de théâtre et de concert. En l’épousant, elle s’était promis ces joies qui lui avaient été si longtemps interdites, être assise dans un fauteuil de balcon et ne pas payer ! – Il prenait des places à ses frais comme un simple bourgeois, lorsqu’elle le tourmentait pour voir une pièce.

Elle finit par ne plus vouloir aller au théâtre dans ces conditions. Le bonheur qu’elle y goûtait était gâté par la pensée qu’elle aurait pu le ressentir, sans bourse délier.

Il vint un moment pourtant où elle se lassa de rester ainsi sur le qui-vive ; alors, elle tomba dans une inertie désolée, mena une existence engourdie, sans imprévu et sans espoir. Elle resta longtemps au lit, s’éternisa dans un fauteuil. Ses bonnes s’enhardirent, la pillèrent sans modération. André hasarda quelques