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le glacial embarras que jetait sa femme. Il voulut réagir, tenta de lancer une fusée ; l’atmosphère était trop saturée d’ennui, elle ne prit pas. Cyprien voulut, de son côté, secouer la lassitude qui l’accablait, il fit flèche de tout bois, parla, sans intérêt, des réchauds en ruolz placés sur la table. André saisit l’occasion, entama une inutile discussion sur la valeur de l’alfénide et du maillechort ; ses paroles tombaient sans écho dans un silence morne. Alors il essaya d’être jovial : – Pristi ! mon vieux, dit-il, ne les emporte pas, hein ? Et, s’adressant à sa femme, il ajouta cette plaisanterie commode : Berthe, tu feras bien de surveiller Cyprien quand il partira.

Elle répondit avec un beau calme :

— Pourquoi ? tu sais à quoi t’en tenir, Monsieur est ton ami, puisque c’est toi qui l’amène.

Après cette grossièreté, la conversation cessa complètement. Le dessert fut vite expédié. – Cyprien tendit la main vers une assiette de brugnons, Berthe feignit de ne pas voir son mouvement, sonna pour faire enlever les plats et apporter le café. Tous les deux espéraient qu’elle allait les laisser seuls. Elle ne bougea pas, déclara seulement, lorsque son mari apprêta une cigarette, que la fumée de tabac ne la gênait point et elle s’accouda, les yeux au plafond, paraissant ignorer qu’André cherchait des allumettes, que le peintre se démanchait le bras à vouloir atteindre une bouteille de rhum.

— Tiens, il faut que je te fasse goûter du kirsch, dit