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que cette chambre était claire et gaie.

Bientôt elle lui parut s’être déjà imprégnée de cet indéfinissable charme que dégagent les logements où l’on ne rentre pas seulement pour se coucher, des logements où l’on vit pendant des journées entières, où, le soir, des rires d’amis se croisent, succédant au silence des heures de travail, égayant avec leurs francs éclats l’air recueilli des murs.

Il arriva enfin à juger suffisamment large et commode cette pièce minuscule, si bourrée de bibelots et si bondée de meubles qu’on ne pouvait s’y tenir à plus de trois personnes ensemble.

Du plafond au plancher, les murs disparaissaient sous un fouillis de faïences, de tableaux, de cuivres, de porcelaines du Japon, au milieu duquel deux aquarelles impressionnistes étincelaient dans leurs barres d’or sur le fond bistré du papier de tenture : une vue de coulisses avec des danseuses en gaze rose, au repos, devant des portants barbouillés de verdures, des petites voyoutes exquises lutinant de grands dadais empesés dans leur tenue de bal ; une vue de salon avec des messieurs ennuyés et aimables, des femmes excitantes et frivoles, étroitement lacées dans des armures de soie pâle, les bras et les épaules nues, le corsage grand ouvert, étayant de ses buses cachés les touffes blanches des seins.

Puis, venaient dans la pièce, amoindrissant encore avec leurs avances et leurs saillies, le peu d’espace laissé libre, une table, des chaises, un guéridon de vieux chêne et un divan tapissé de toile bise brochée de