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Le poëte philosophe parce qu’il imagine. C’est pourquoi Shakespeare a ce maniement souverain de la réalité qui lui permet de se passer avec elle son caprice. Et ce caprice lui-même est une variété du vrai. Variété qu’il faut méditer. A quoi ressemble la destinée, si ce n’est à une fantaisie ? rien de plus incohérent en apparence, rien de plus mal attaché, rien de plus mal déduit. Pourquoi couronner ce monstre, Jean ? pourquoi tuer cet enfant, Arthur ? pourquoi Jeanne d’Arc brûlée ? pourquoi Monk triomphant ? pourquoi Louis XV heureux ? pourquoi Louis XVI puni ? Laissez passer la logique de Dieu. C’est dans cette logique-là qu’est puisée la fantaisie du poëte. La comédie éclate dans les larmes, le sanglot naît du rire, les figures se mêlent et se heurtent, des formes massives, presque des bêtes, passent lourdement, des larves, femmes peut-être, peut-être fumée, ondoient ; les âmes, libellules de l’ombre, mouches crépusculaires, frissonnent dans tous ces roseaux noirs que nous appelons passions et événements. A un pôle lady Macbeth, à l’autre Titania. Une pensée colossale et un caprice immense.

Qu’est-ce que la Tempête, Troïlus et Cressida, les Gentilshommes de Vérone, les Commères de Windsor, le Songe d’été, le Songe d’hiver ? c’est la fantaisie,