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notre-dame de paris.

Julien-l’Apostat, mais tour féodale du treizième siècle, et d’une pierre si dure, que le pic en trois heures n’en levait pas l’épaisseur du poing ; c’était le riche clocher carré de Saint-Jacques-de-la-Boucherie, avec ses angles tout émoussés de sculptures, déjà admirable quoiqu’il ne fût pas achevé au quinzième siècle. (Il lui manquait en particulier ces quatre monstres qui, aujourd’hui encore, perchés aux encoignures de son toit, ont l’air de quatre sphinx qui donnent à deviner au nouveau Paris l’énigme de l’ancien. Rault, le sculpteur, ne les posa qu’en 1526, et il eut vingt francs pour sa peine.) C’était la Maison-aux-Piliers, ouverte sur cette place de Grève dont nous avons donné quelque idée au lecteur ; c’était Saint-Gervais, qu’un portail de bon goût a gâté depuis ; Saint-Méry, dont les vieilles ogives étaient presque encore des pleins-cintres ; Saint-Jean, dont la magnifique aiguille était proverbiale ; c’étaient vingt autres monuments qui ne dédaignaient pas d’enfouir leurs merveilles dans ce chaos de rues noires, étroites et profondes. Ajoutez les croix de pierre sculptées, plus prodiguées encore dans les carrefours que les gibets ; le cimetière des Innocents, dont on apercevait au loin, par-dessus les toits, l’enceinte architecturale ; le pilori des Halles, dont on voyait le faîte entre deux cheminées de la rue de la Cossonnerie ; l’échelle de la Croix-du-Trahoir dans son carrefour toujours noir de peuple ; les masures circulaires de la Halle-au-Blé ; les tronçons de l’ancienne clôture de Philippe-Auguste, qu’on distinguait çà et là, noyés dans les maisons, tours rongées de lierre, portes ruinées, pans de murs croulants et déformés ; le quai avec ses mille boutiques et ses écorcheries saignantes ; la Seine chargée de bateaux, du Port-au-Foin au For-l’Évêque, et vous aurez une image confuse de ce qu’était en 1482 le trapèze central de la Ville.

Avec ces deux quartiers, l’un d’hôtels, l’autre de maisons, le troisième élément de l’aspect qu’offrait la Ville, c’était une longue zone d’abbayes qui la bordait dans presque tout son pourtour, du levant au couchant, et, en arrière de l’enceinte de fortifications qui fermait Paris, lui faisait une seconde enceinte intérieure de couvents et de chapelles. Ainsi, immédiatement à côté du parc des Tournelles, entre la rue Saint-Antoine et la vieille rue du Temple, il y avait Sainte-Catherine avec son immense culture, qui n’était bornée que par la muraille de Paris. Entre la vieille et la nouvelle rue du Temple, il y avait le Temple, sinistre faisceau de tours, haut, debout et isolé au milieu d’un vaste enclos crénelé. Entre la rue Neuve du Temple et la rue Saint-Martin, c’était l’abbaye de Saint-Martin, au milieu de ses jardins, superbe église fortifiée, dont la ceinture