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tant plus rares qu’elles s’éloignaient plus. Quelques-uns de ces faubourgs avaient de l’importance : c’était d’abord, à partir de la Tournelle, le bourg Saint-Victor avec son pont d’une arche sur la Bièvre, son abbaye, où on lisait l’épitaphe de Louis-le-Gros, epitaphium Ludovici Grossi, et son église à flèche octogone flanquée de quatre clochetons du onzième siècle (on en peut voir une pareille à Étampes ; elle n’est pas encore abattue) ; puis le bourg Saint-Marceau, qui avait déjà trois églises et un couvent ; puis, en laissant à gauche le moulin des Gobelins et ses quatre murs blancs, c’était le faubourg Saint-Jacques avec la belle croix sculptée de son carrefour ; l’église de Saint-Jacques du Haut-Pas, qui était alors gothique, pointue et charmante ; Saint-Magloire, belle nef du quatorzième siècle, dont Napoléon fit un grenier à foin ; Notre-Dame-des-Champs, où il y avait des mosaïques byzantines. Enfin, après avoir laissé en plein champ le monastère des Chartreux, riche édifice contemporain du Palais de Justice, avec ses petits jardins à compartiments et les ruines mal hantées de Vauvert, l’œil tombait, à l’occident, sur les trois aiguilles romanes de Saint-Germain-des-Prés. Le bourg Saint-Germain, déjà une grosse commune, faisait quinze ou vingt rues derrière ; le clocher aigu de Saint-Sulpice marquait un des coins du bourg. Tout à côté on distinguait l’enceinte quadrilatérale de la Foire Saint-Germain, où est aujourd’hui le marché ; puis le pilori de l’abbé, jolie petite tour ronde, bien coiffée d’un cône de plomb ; la tuilerie était plus loin, et la rue du Four, qui menait au four banal, et le moulin sur sa butte, et la maladerie, maisonnette isolée et mal vue. Mais ce qui attirait surtout le regard, et le fixait long-temps sur ce point, c’était l’Abbaye elle-même. Il est certain que ce monastère, qui avait une grande mine et comme église et comme seigneurie, ce palais abbatial, où les évêques de Paris s’estimaient heureux de coucher une nuit, ce réfectoire, auquel l’architecte avait donné l’air, la beauté et la splendide rosace d’une cathédrale, cette élégante chapelle de la Vierge, ce dortoir monumental, ces vastes jardins, cette herse, ce pont-levis, cette enveloppe de créneaux qui entaillait aux yeux la verdure des prés d’alentour, ces cours où reluisaient des hommes d’armes mêlés à des chapes d’or, le tout groupé et rallié autour des trois hautes flèches à pleins-cintres, bien assises sur une apside gothique, faisaient une magnifique figure à l’horizon.

Quand enfin, après avoir long-temps considéré l’Université, vous vous tourniez vers la rive droite, vers la Ville, le spectacle changeait brusquement de caractère. La Ville, en effet, beaucoup plus grande que l’Uni-