Page:Hugo - Notre-Dame de Paris, 1844.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
notre-dame de paris.

— Tu te reconnais membre de la franche bourgeoisie ? reprit le roi de Thunes…

— De la franche bourgeoisie.

— Sujet du royaume d’argot ?

— Du royaume d’argot.

— Truand ?

— Truand.

— Dans l’âme ?

— Dans l’âme.

— Je te fais remarquer, reprit le roi, que tu n’en seras pas moins pendu pour cela.

— Diable ! dit le poète.

— Seulement, continua Clopin imperturbable, tu seras pendu plus tard, avec plus de cérémonie, aux frais de la bonne ville de Paris, à un beau gibet de pierre, et par les honnêtes gens. C’est une consolation.

— Comme vous dites, répondit Gringoire.

— Il y a d’autres avantages. En qualité de franc-bourgeois, tu n’auras à payer ni boues, ni pauvres, ni lanternes, à quoi sont sujets les bourgeois de Paris.

— Ainsi soit-il, dit le poète. Je consens. Je suis truand, argotier, franc-bourgeois, petite flambe, tout ce que vous voudrez ; et j’étais tout cela d’avance, monsieur le roi de Thunes, car je suis philosophe : et omnia in philosophia, omnes in philosopho continentur, comme vous savez.

Le roi de Thunes fronça le sourcil.

— Pour qui me prends-tu, l’ami ? Quel argot de juif de Hongrie nous chantes-tu là ! Je ne sais pas l’hébreu. Pour être bandit on n’est pas juif. Je ne vole même plus, je suis au-dessus de cela, je tue. Coupe-gorge, oui ; coupe-bourse, non.

Gringoire tâcha de glisser quelque excuse à travers ces brèves paroles que la colère saccadait de plus en plus. — Je vous demande pardon, monseigneur. Ce n’est pas de l’hébreu, c’est du latin.

— Je te dis, reprit Clopin avec emportement, que je ne suis pas juif, et que je te ferai pendre, ventre de synagogue ! ainsi que ce petit marcandier de Judée qui est auprès de toi, et que j’espère bien voir clouer un jour sur un comptoir, comme une pièce de fausse monnaie qu’il est !

En parlant ainsi, il désignait du doigt le petit juif hongrois barbu, qui