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à demain matin, n’attends pas jusqu’au coucher du soleil, n’attends pas une heure, n’attends pas une demi-heure ! Quitte Ferrare sur-le-champ, quitte Ferrare comme si c’était Sodome qui brûle, et ne regarde pas derrière toi ! —adieu ! —attends encore un instant. J’ai un dernier mot à te dire, mon Gennaro !

Gennaro. Parlez, madame.

Dona Lucrezia. Je te dis adieu en ce moment, Gennaro, pour ne plus te revoir jamais. Il ne faut plus songer maintenant à te rencontrer quelquefois sur mon chemin. C’était le seul bonheur que j’eusse au monde. Mais ce serait risquer ta tête. Nous voilà donc pour toujours séparés dans cette vie ; hélas ! Je ne suis que trop sûre que nous serons séparés aussi dans l’autre. Gennaro ! Est-ce que tu ne me diras pas quelque douce parole avant de me quitter ainsi pour l’éternité ?…

Gennaro, baissant les yeux. Madame…

Dona Lucrezia. Je viens de te sauver la vie, enfin !

Gennaro. Vous me le dites. Tout ceci est plein de tenèbres. Je ne sais que penser. Tenez, madame, je puis tout vous pardonner, une chose exceptée.