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le duc. Préparez-vous à faire justice. C’est un événement sérieux qui arrive là, voyez-vous ? Est-ce que vous croyez par hasard que je ne tiens à l’estime de personne au monde, et que mon mari peut se dispenser d’être mon chevalier ? Non, non, monseigneur ; qui épouse protége ; qui donne la main donne le bras. J’y compte. Tous les jours ce sont de nouvelles injures, et jamais je ne vous en vois ému. Est-ce que cette boue dont on me couvre ne vous éclabousse pas, don Alphonse ? Allons, sur mon âme, courroucez-vous donc un peu, que je vous voie, une fois dans votre vie, vous fâcher à mon sujet, monsieur ! Vous êtes amoureux de moi, dites-vous quelquefois ? Soyez-le donc de ma gloire. Vous êtes jaloux ? Soyez-le de ma renommée ! Si j’ai doublé par ma dot vos domaines héréditaires ; si je vous ai apporté en mariage, non-seulement la rose d’or et la bénédiction du saint-père, mais ce qui tient plus de place sur la surface du monde, Sienne, Rimini, Cesena, Spolette et Piombino, et plus de villes que vous n’aviez de châteaux, et plus de duchés que vous n’aviez de baronnies ; si j’ai fait de vous le plus puissant gentilhomme de l’Italie, ce n’est pas une raison, monsieur, pour que vous laissiez votre peuple me railler, me publier et m’insulter ; pour que vous laissiez votre Ferrare montrer du doigt à toute l’Europe votre femme plus méprisée et