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is noble et de grande race, et que ma mère était bien malheureuse. Pauvre mère !

Dona Lucrezia. Bon Gennaro !

Gennaro. Depuis ce jour-là, je me suis fait aventurier, parce qu’étant quelque chose par ma naissance, j’ai voulu être aussi quelque chose par mon épée. J’ai couru toute l’Italie. Mais le premier jour de chaque mois, en quelque lieu que je sois, je vois toujours venir le même messager. Il me remet une lettre de ma mère, prend ma réponse et s’en va ; et il ne me dit rien, et je ne lui dis rien, parce qu’il est sourd et muet.

Dona Lucrezia. Ainsi tu ne sais rien de ta famille ?

Gennaro. Je sais que j’ai une mère, qu’elle est malheureuse, et que je donnerais ma vie dans ce monde pour la voir pleurer, et ma vie dans l’autre pour la voir sourire. Voilà tout.

Dona Lucrezia. Que fais-tu de ses lettres ?

Gennaro. Je les ai toutes là, sur mon cœur. Nous autres gens de guerre, nous risquons souvent notre poitrine à l’encontre des épées. Les lettres d’une mère, c’est une bonne cuirasse.