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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

seigneur sont inconnues. Mess Lethierry était ruiné. Eh bien ? être riche, c’est être en danger. On a de faux amis. La pauvreté les éloigne. On reste seul. Solus eris. la Durande rapportait, disait-on, mille livres sterling par an. C’est trop pour le sage. Fuyons les tentations, dédaignons l’or. Acceptons avec reconnaissance la ruine et l’abandon. L’isolement est plein de fruits. On y obtient les grâces du seigneur. C’est dans la solitude qu’Aia trouva les eaux chaudes, en conduisant les ânes de Sébéon son père. Ne nous révoltons pas contre les impénétrables décrets de la providence. Le saint homme Job, après sa misère, avait crû en richesse. Qui sait si la perte de la Durande n’aurait pas des compensations, même temporelles ? Ainsi, lui docteur Jaquemin Hérode, il avait engagé des capitaux dans une très belle opération en cours d’exécution à Sheffield ; si mess Lethierry, avec les fonds qui pouvaient lui rester, voulait entrer dans cette affaire, il y referait sa fortune ; c’était une grosse fourniture d’armes au czar en train de réprimer la Pologne. On y gagnerait trois cents pour cent.

Le mot czar parut réveiller Lethierry. Il interrompit le docteur Hérode.

— Je ne veux pas du czar.

Le révérend Hérode répondit :

— Mess Lethierry, les princes sont voulus de Dieu. Il est écrit : « rendez à César ce qui est à César. » Le czar, c’est César.

Lethierry, à demi retombé dans son rêve, murmura :

— Qui ça, César ? Je ne connais pas.

Le révérend Jaquemin Hérode reprit son exhortation. Il