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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

l’escarpement de Plainmont. Ces enfants s’en retournaient au village. Ils venaient de la mer. C’était ce qu’on appelle dans la langue locale des déniquoiseaux. Lisez déniche-oiseaux. Partout où il y a des falaises et des trous de rochers au-dessus de la mer, les enfants dénicheurs d’oiseaux abondent. Nous en avons dit un mot déjà. On se souvient que Gilliatt s’en préoccupait, à cause des oiseaux et à cause des enfants.

Les déniquoiseaux sont des espèces de gamins de l’océan, peu timides.

La nuit était très obscure. D’épaisses superpositions de nuées cachaient le zénith. Trois heures du matin venaient de sonner au clocher de Torteval, qui est rond et pointu et qui ressemble à un bonnet de magicien.

Pourquoi ces enfants revenaient-ils si tard ? Rien de plus simple. Ils étaient allés à la chasse aux nids de mauves, dans le Tas de Pois d’Aval. La saison ayant été très douce, les amours des oiseaux commençaient de très bonne heure. Ces enfants, guettant les allures des mâles et des femelles autour des gîtes, et distraits par l’acharnement de cette poursuite, avaient oublié l’heure. Le flux les avait cernés ; ils n’avaient pu regagner à temps la petite anse où ils avaient amarré leur canot, et ils avaient dû attendre sur une des pointes du Tas de Pois que la mer se retirât. De là leur rentrée nocturne. Ces rentrées-là sont attendues par la fiévreuse inquiétude des mères, laquelle, rassurée, dépense sa joie en colère, et, grossie dans les larmes, se dissipe en taloches. Aussi se hâtaient-ils, assez inquiets. Ils avaient cette manière de se hâter qui s’attarderait volontiers, et qui