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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

de soixante-quatorze, qui sont un gabarit bâtard, et qu’il faut raser pour les rendre battants et marins. Étant courte, elle eût dû virer vite, les temps employés à une évolution étant comme les longueurs des navires ; mais sa pesanteur lui ôtait l’avantage que lui donnait sa brièveté. Son maître-couple était trop large, ce qui la ralentissait, la résistance de l’eau étant proportionnelle à la plus grande section immergée et au carré de la vitesse du navire. L’avant était vertical, ce qui ne serait pas une faute aujourd’hui, mais en ce temps-là l’usage invariable était de l’incliner de quarante-cinq degrés. Toutes les courbes de la coque étaient bien raccordées, mais pas assez longues pour l’obliquité et surtout pour le parallélisme avec le prisme d’eau déplacé, lequel ne doit jamais être refoulé que latéralement. Dans les gros temps, elle tirait trop d’eau, tantôt par l’avant, tantôt par l’arrière, ce qui indiquait un vice dans le centre de gravité. La charge n’étant pas où elle devait être, à cause du poids de la machine, le centre de gravité passait souvent à l’arrière du grand mât, et alors il fallait s’en tenir à la vapeur, et se défier de la grande voile, car l’effort de la grande voile dans ce cas-là faisait arriver le vaisseau au lieu de le soutenir au vent. La ressource était, quand on était au plus près du vent, de larguer en bande la grande écoute ; le vent, de la sorte, était fixé sur l’avant par l’amure, et la grande voile ne faisait plus l’effet d’une voile de poupe. Cette manœuvre était difficile. Le gouvernail était l’antique gouvernail, non à roue comme aujourd’hui, mais à barre, tournant sur ses gonds scellés dans l’étambot et mû par une solive horizontale passant par-dessus la barre d’arcasse.