Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome II (1892).djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

de roches en saillie d’un vert de plus en plus foncé. Certains creux obscurs étaient probablement insondables.

Des deux côtés du porche sous-marin, des ébauches de cintres surbaissés, pleins de ténèbres, indiquaient de petites caves latérales, bas côtés de la caverne centrale, accessibles peut-être à l’époque des très basses marées.

Ces anfractuosités avaient des plafonds en plan incliné, à angles plus ou moins ouverts. De petites plages, larges de quelques pieds, mises à nu par les fouilles de la mer, s’enfonçaient et se perdaient sous ces obliquités.

Çà et là des herbes longues de plus d’une toise ondulaient sous l’eau avec un balancement de cheveux au vent. On entrevoyait des forêts de goëmons.

Hors du flot et dans le flot, toute la muraille de la cave, du haut en bas, depuis la voûte jusqu’à son effacement dans l’invisible, était tapissée de ces prodigieuses floraisons de l’océan, si rarement aperçues par l’œil humain, que les vieux navigateurs espagnols nommaient praderias del mar. Une mousse robuste, qui avait toutes les nuances de l’olive, cachait et amplifiait les exostoses du granit. De tous les surplombs jaillissaient les minces lanières gaufrées du varech dont les pêcheurs se font des baromètres. Le souffle obscur de la caverne agitait ces courroies luisantes.

Sous ces végétations se dérobaient et se montraient en même temps les plus rares bijoux de l’écrin de l’océan, des éburnes, des strombes, des mitres, des casques, des pourpres, des buccins, des struthiolaires, des cérites turriculées. Les cloches des patelles, pareilles à des huttes microscopiques, adhéraient partout au rocher et se groupaient en villages,