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LA GUERRE ENTRE QUATRE MURS.

On entendait une autre canonnade à quelque distance. En même temps que deux pièces s’acharnaient sur la redoute de la rue de la Chanvrerie, deux autres bouches à feu, braquées, l’une rue Saint-Denis, l’autre rue Aubry-le-Boucher, criblaient la barricade Saint-Merry. Les quatre canons se faisaient lugubrement écho.

Les aboiements des sombres chiens de la guerre se répondaient.

Des deux pièces qui battaient maintenant la barricade de la rue de la Chanvrerie, l’une tirait à mitraille, l’autre à boulet.

La pièce qui tirait à boulet était pointée un peu haut et le tir était calculé de façon que le boulet frappait le bord extrême de l’arête supérieure de la barricade, l’écrêtait, et émiettait les pavés sur les insurgés en éclats de mitraille.

Ce procédé de tir avait pour but d’écarter les combattants du sommet de la redoute, et de les contraindre à se pelotonner dans l’intérieur ; c’est-à-dire que cela annonçait l’assaut.

Une fois les combattants chassés du haut de la barricade par le boulet et des fenêtres du cabaret par la mitraille, les colonnes d’attaque pourraient s’aventurer dans la rue sans être visées, peut-être même sans être aperçues, escalader brusquement la redoute, comme la veille au soir, et, qui sait ? la prendre par surprise.

— Il faut absolument diminuer l’incommodité de ces pièces, dit Enjolras, et il cria : Feu sur les artilleurs !

Tous étaient prêts. La barricade, qui se taisait depuis longtemps, fit feu éperdument, sept ou huit décharges se