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LA NUIT BLANCHE.

En 1833, il y a cent ans, on ne pratiquait pas le mariage au grand trot.

On s’imaginait encore à cette époque, chose bizarre, qu’un mariage est une fête intime et sociale, qu’un banquet patriarcal ne gâte point une solennité domestique, que la gaîté, fût-elle excessive, pourvu qu’elle soit honnête, ne fait aucun mal au bonheur, et qu’enfin il est vénérable et bon que la fusion de ces deux destinées d’où sortira une famille commence dans la maison, et que le ménage ait désormais pour témoin la chambre nuptiale.

Et l’on avait l’impudeur de se marier chez soi.

Le mariage se fit donc, suivant cette mode maintenant caduque, chez M. Gillenormand.

Si naturelle et si ordinaire que soit cette affaire de se marier, les bans à publier, les actes à dresser, la mairie, l’église, ont toujours quelque complication. On ne put être prêt avant le 16 février.

Or, nous notons ce détail pour la pure satisfaction d’être exact, il se trouva que le 16 était un mardi gras. Hésitations, scrupules, particulièrement de la tante Gillenormand.

— Un mardi gras ! s’écria l’aïeul, tant mieux. Il y a un proverbe :

Mariage un mardi gras
N’aura point d’enfants ingrats.

Passons outre. Va pour le 16 ! Est-ce que tu veux retarder, toi, Marius ?

— Non, certes ! répondit l’amoureux.

— Marions-nous, fit le grand-père.