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tellerie, une taverne, le cabaret de la Pomme de Pin, une auberge suspecte, un coupe-gorge, soit ; mais non un lupanar. C’est un lieu sinistre, terrible, horrible, effroyable, si vous voulez, ce n’est pas un lieu obscène.

Restent donc les détails du style. Lisez[1]. L’auteur accepte pour juges de la sévérité austère de son style les personnes mêmes qui s’effarouchent de la nourrice de Juliette et du père d’Ophélia, de Beaumarchais et de Regnard, de l’École des Femmes et d’Amphitryon, de Dandin et de Sganarelle, et de la grande scène du Tartuffe, du Tartuffe accusé aussi d’immoralité dans son temps ! seulement, là où il fallait être franc, il a cru devoir l’être, à ses risques et périls, mais toujours avec gravité et mesure. Il veut l’art chaste, et non l’art prude.

La voilà pourtant cette pièce contre laquelle le ministère cherche à soulever tant de préventions ! Cette immoralité, cette obscénité, la voilà mise à nu. Quelle pitié ! Le pouvoir avait ses raisons cachées, et nous les indiquerons

  1. La confiance de l’auteur dans le résultat de la lecture est telle qu’il croit à peine nécessaire de faire remarquer que sa pièce est imprimée telle qu’il l’a faite, et non telle qu’on l’a jouée, c’est-à-dire qu’elle contient un assez grand nombre de détails que le livre imprimé comporte, et qu’il avait retranchés pour les susceptibilités de la scène. Ainsi, par exemple, le jour de la représentation, au lieu de ces vers :

    J’ai ma sœur Maguelonne, une fort belle fille
    Qui danse dans la rue et qu’on trouve gentille.
    Elle attire chez nous le galant une nuit.

    Saltabadil a dit :

    J’ai ma sœur, une jeune et belle créature,
    Qui chez nous aux passants dit la bonne aventure ;
    Votre homme la viendrait consulter une nuit.

    Il y a eu également des variantes pour plusieurs autres vers, mais cela ne vaut pas la peine d’y insister.