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Il regardait le jour se faire en ce cerveau.
Paul avait chaque mois un bégaiement nouveau,
Effort de la pensée à travers la parole,
Sorte d'ascension lente du mot qui vole,
Puis tombe, et se relève avec un gai frisson,
Et ne peut être idée et s'achève en chanson.
Paul assemblait des sons, leur donnait la volée,
Scandait on ne sait quelle obscure strophe ailée,
Jasait, causait, glosait, sans se taire un instant,
Et la maison était ravie en l'écoutant.
Il chantait, tout riait, et la paix était faite ;
On eût dit qu'il donnait le signal de la fête ;
Et les arbres parlaient de cet enfant entr'eux ;
Et Paul était heureux ; c'est charmant d'être heureux !

Avec l'autorité profonde de la joie
Paul régnait ; son grand-père était sa douce proie ;
L'aïeul obéissait, comme il sied. — Père, attends.
Il attendait. Non. Viens. — Il venait. Le printemps
A sur le vieil hiver tous les droits du jeune âge.
Comme ils faisaient ensemble un bon petit ménage,
Ce petit-fils tyran, ce grand-père opprimé !
Comme janvier cherchait à plaire au mois de mai !
Comme, au milieu des nids chantant à leurs oreilles,
Erraient gaiement ces deux naïvetés pareilles
Dont l'une avait deux ans et l'autre quatrevingt !
Un jour l'un oublia, mais l'autre se souvint ;