Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/128

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tous les songeurs, marqués au front, mis au carcan, Râlent sur l'éternel pilori des génies Et des fous. Ce Halley, certes, qu'aux gémonies Rome eût traîné, qu'Athène au cloaque eût poussé, Était impie, à moins qu'il ne fût insensé ! Jamais homme ici-bas ne s'était vu proscrire Par un si formidable et sombre éclat de rire ; Tout l'accabla, les gens légers, les sérieux, Et les grands gestes noirs des prêtres furieux. Quoi ! cet homme saurait ce que la Bible ignore ! La vaste raillerie est un dôme sonore Au-dessus d'une tête, et ce sinistre mur Parle et de mille échos emplit un crâne obscur. C'est ainsi que le rire, infâme et froid visage, Parvient à faire un fou de ce qui fut un sage. Halley morne s'alla cacher on ne sait où. Avait-il été sage et fut-il vraiment fou ? On ne sait. Le certain c'est qu'il courba la tête Sous le sarcasme, atroce et joyeuse tempête, Et qu'il baissa les yeux qu'il avait trop levés. Les petits enfants nus courant sur les pavés Le suivaient, et la foule en tumulte accourue Riait, quand il passait le soir dans quelque rue, Et l'on disait : C'est lui ! chacun voulant punir L'homme qui voit de loin une étoile venir. C'est lui ! le fou ! Les cris allaient jusqu'aux nuées ; Et le pauvre homme errait triste sous les huées. Il mourut.