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Et, croisant les genoux dans quelque gouffre obscur,
Tranquille, se servir de l’éclair pour recoudre
Sa robe de nuée et son manteau de foudre !

Sur la terre où tout jette un miasme empoisonneur,
Où même cet instinct qu’on appelle l’honneur
De pente en pente au fond de la bassesse glisse,
Il n’est qu’un peuple libre, un montagnard, la Suisse ;
Tous les autres, ramant l’ombre des deux côtés,
Sont les galériens des blêmes royautés ;
Or, les rois ont eu l’art de mettre en équilibre
Les pauvres peuples serfs avec le peuple libre,
Et font garder, afin que l’ordre soit complet,
Les esclaves, forçats, par le libre, valet.

Et dire que la Suisse eut jadis l’envergure
D’un peuple qui se lève et qui se transfigure !
Ô vils marchands d’eux-même ! immonde abaissement !
Leur enfance a reçu ce haut enseignement
Qu’un peuple s’affranchit, c’est-à-dire se crée,
Par la révolte sainte et l’émeute sacrée,
Qu’il faut rompre ses fers, vaincre, et que le lion