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— Tu me fais l’effet d’un observateur, imbécile ! Prends-y garde, cela ne te regarde pas. Tu as une chose à faire, aimer Dea. Tu es heureux de deux bonheurs : le premier, c’est que la foule voit ton museau, le second, c’est que Dea ne le voit pas. Ce bonheur que tu as, tu n’y as pas droit. Nulle femme, voyant ta bouche, n’acceptera ton baiser. Et cette bouche qui fait ta fortune, cette face qui fait ta richesse, ça n’est pas à toi. Tu n’étais pas né avec ce visage-là. Tu l’as pris à la grimace qui est au fond de l’infini. Tu as volé son masque au diable. Tu es hideux, contente-toi de ce quine. Il y a dans ce monde, qui est une chose très bien faite, les heureux de droit et les heureux de raccroc. Tu es un heureux de raccroc. Tu es dans une cave où se trouve prise une étoile. La pauvre étoile est à toi. N’essaie pas de sortir de ta cave, et garde ton astre, araignée ! tu as dans ta toile l’escarboucle Vénus. Fais-moi le plaisir d’être satisfait. Je te vois rêvasser, c’est idiot. Écoute, je vais te parler le langage de la vraie poésie : que Dea mange des tranches de bœuf et des côtelettes de mouton, dans six mois elle sera forte