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dormait, et à Dea quand Gwynplaine avait le dos tourné :

— Dea, il ne faut pas trop t’attacher à Gwynplaine. Vivre dans un autre est périlleux. L’égoïsme est une bonne racine du bonheur. Les hommes, ça échappe aux femmes. Et puis, Gwynplaine peut finir par s’infatuer. Il a tant de succès ! tu ne le figures pas le succès qu’il a !

— Gwynplaine, les disproportions ne valent rien. Trop de laideur d’un côté, trop de beauté de l’autre, cela doit donner à réfléchir. Tempère ton ardeur, mon boy. Ne t’enthousiasme pas trop de Dea. Te crois-tu sérieusement fait pour elle ? Mais considère donc ta difformité et sa perfection. Vois la distance entre elle et toi. Elle a tout, cette Dea ! quelle peau blanche, quels cheveux, des lèvres qui sont des fraises, et son pied ! quant à sa main ! Ses épaules sont d’une courbe exquise, le visage est sublime, elle marche, il sort d’elle de la lumière, et ce parler grave avec ce son de voix charmant ! et avec tout cela songer que c’est une femme ! elle n’est pas si sotte que d’être un ange. C’est la beauté absolue. Dis-toi tout cela pour te calmer.