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enfant avait-il été assez digne d’attention pour qu’on s’occupât de lui au point de modifier son visage ? Pourquoi pas ? ne fût-ce que dans un but d’exhibition et de spéculation. Selon toute apparence, d’industrieux manieurs d’enfants avaient travaillé cette figure. Il semblait évident qu’une science mystérieuse, probablement occulte, qui était à la chirurgie ce que l’alchimie est à la chimie, avait ciselé cette chair, à coup sûr dans le très bas âge, et créé, avec préméditation, ce visage. Cette science, habile aux sections, aux obtusions et aux ligatures, avait fendu la bouche, débridé les lèvres, dénudé les gencives, distendu les oreilles, décloisonné les cartilages, désordonné les sourcils et les joues, élargi le muscle zygomatique, estompé les coutures et les cicatrices, ramené la peau sur les lésions, tout en maintenant la face à l’état béant, et de cette sculpture puissante et profonde était sorti ce masque, Gwynplaine.

On ne naît pas ainsi.

Quoi qu’il en fût, Gwynplaine était admirablement réussi. Gwynplaine était un don fait par la providence à la tristesse des hommes. Par quelle