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mauvais, l’amour-propre s’en mêle. Faire des trous et des sapes à une fortune de cour, plus haute que nous, la miner à ses risques et périls, tout souterrain et tout caché qu’on est, insistons-y, c’est intéressant. On se passionne à un tel jeu. On s’éprend de cela comme d’un poème épique qu’on ferait. Être très petit et s’attaquer à quelqu’un de très grand est une action d’éclat. C’est beau d’être la puce d’un lion.

L’altière bête se sent piquée et dépense son énorme colère contre l’atome. Un tigre rencontré l’ennuierait moins. Et voilà les rôles changés. Le lion humilié a dans sa chair le dard de l’insecte, et la puce peut dire : j’ai en moi du sang de lion.

Pourtant, ce n’étaient là pour l’orgueil de Barkilphedro que de demi-apaisements. Consolations. Palliatifs. Taquiner est une chose, torturer vaudrait mieux. Barkilphedro, pensée désagréable qui lui revenait sans cesse, n’aurait vraisemblablement pas d’autre succès que d’entamer chétivement l’épiderme de Josiane. Que pouvait-il espérer de plus, lui si infime contre elle si radieuse ? Une égratignure, que c’est peu, à qui