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gissements qu’il avait dans l’âme. C’est l’habitude de l’envieux de s’absoudre en amalgamant à son grief personnel le mal public. Toutes les formes farouches des passions haineuses allaient et venaient dans cette intelligence féroce. À l’angle des vieilles mappemondes du quinzième siècle, on trouve un large espace vague sans forme et sans nom où sont écrits ces trois mots : Hic sunt leones. Ce coin sombre est aussi dans l’homme. Les passions rôdent et grondent quelque part en nous, et l’on peut dire aussi d’un côté obscur de notre âme : Il y a ici des lions.

Cet échafaudage de raisonnements fauves était-il absolument absurde ? cela manquait-il d’un certain jugement ? Il faut bien le dire, non.

Il est effrayant de penser que cette chose qu’on a en soi, le jugement, n’est pas la justice. Le jugement, c’est le relatif. La justice, c’est l’absolu. Réfléchissez à la différence entre un juge et un juste.

Les méchants malmènent la conscience avec autorité. Il y a une gymnastique du faux. Un sophiste est un faussaire, et dans l’occasion ce faussaire brutalise le bon sens. Une certaine lo-