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ce que le patient éprouve en angoisse. Il a le chatouillement de ce déchirement ; l’homme mauvais ne s’épanouit qu’affreusement. Le supplice se réverbère sur lui en bien-être. Le duc d’Albe se chauffait les mains aux bûchers. Foyer, douleur ; reflet, plaisir. Que de telles transpositions soient possibles, cela fait frissonner. Notre côté ténèbres est insondable. Supplice exquis, l’expression est dans Bodin[1], ayant peut-être ce triple sens terrible : recherche du tourment, souffrance du tourmenté, volupté du tourmenteur. Ambition, appétit, tous ces mots signifient quelqu’un sacrifié à quelqu’un satisfait. Chose triste, que l’espérance puisse être perverse. En vouloir à une créature, c’est lui vouloir du mal. Pourquoi pas du bien ? Serait-ce que le principal versant de notre volonté serait du côté du mal ? Un des plus rudes labeurs du juste, c’est de s’extraire continuellement de l’âme une malveillance difficilement épuisable. Presque toutes nos convoitises, examinées, contiennent de l’inavouable. Pour le méchant complet, et cette perfection hideuse existe, Tant

  1. Livre IV, p. 196.