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Un grand peuple doit être admirable avec rage.
Quand l’obscurité fauve et perfide a couvert
La plaine, et fait un champ sépulcral du pré vert,
Du bois un ennemi, du fleuve un précipice,
Quand elle a protégé de sa noirceur propice
Toutes les trahisons des renards et des loups,
Quand tous les êtres bas, visqueux, abjects, jaloux,
L’affreux lynx, le chacal boiteux, l’hyène obscène,
L’aspic lâche, ont pu, grâce à la brume malsaine,
Sortir, rôder, glisser, ramper, boire du sang,
Le matin vient ainsi qu’un vengeur, et l’on sent
De l’indignation dans le jour qui se lève.
Guillaume, ce spectre, et la Prusse, ce rêve,
Quand la meute des rois voraces, quand l’essaim
De tous les noirs oiseaux qu’anime un vil dessein
Et que l’instinct féroce aux carnages attire,
Quand la guerre, à la fois larron, hydre et satyre,
Quand les fléaux, que l’ombre inexorable suit,
Envahissent l’azur des peuples, font la nuit,
Ne vous en mêlez pas, vous soldat cher au prêtre ;
Laissez la France au seuil des gouffres apparaître,
Se dresser, empourprer les cimes, resplendir,
Et, dardant en tous sens, du zénith au nadir,
Son éblouissement qui sauve et qui dévore,
Terrible, délivrer le ciel à coups d’aurore !