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L’ENFANT. — LA FEMME.

profonde pour tous les misérables. S’agit-il d’un peuple ? s’agit-il d’une classe ? s’agit-il d’un individu ? peu vous importe. Toute souffrance vous atteint et vous touche. Le droit est violé quelque part, en quelqu’un ; cela vous suffit.

« Pourquoi ? Parce que vous êtes l’homme du devoir.

« En ce siècle d’anarchie morale, où le privilège — contradiction bizarre ! — survit aux causes qui l’avaient produit et socialement consacré, vous proclamez l’égalité de tous et de toutes, vous affirmez la liberté individuelle et collective, vous affirmez la raison, vous affirmez l’inviolabilité de la conscience humaine.

« Et nous hésiterions — nous dont l’idée de justice est méconnue, à solliciter de votre dévouement l’appui que vous ne refusez à personne, pas même aux ignorants, ces attardés ! pas même aux coupables, ces autres ignorants ! Ce serait méconnaître tout à la fois l’irrésistible puissance de votre parole et l’incommensurable générosité de votre cœur.

« Personne mieux que vous n’a fait ressortir l’iniquité légale qui fait de chaque femme une mineure. Mère de famille, la femme est sans droit, ses enfants même ne lui appartiennent pas ; épouse, elle a un tuteur, presque un maître ; célibataire ou veuve, elle est assimilée par le code aux voleurs et aux assassins.

« Politiquement elle ne compte pas.

« Nos lois la mettent hors la loi.

« … Bientôt, peut-être, une Assemblée républicaine sera saisie de nos légitimes revendications. Mais nous devons préparer l’opinion publique. L’opinion publique est le moule par où doivent passer d’abord, pour y être étudiées, les réformes jugées nécessaires. Il n’y a de lois durables, d’institutions solidement assises — qu’il s’agisse de l’organisation de la famille ou de l’organisation de l’état — que les institutions et les lois d’accord avec le sentiment universel.

« Nous l’avons compris. Et pour bien faire pénétrer dans l’esprit des masses l’importance sociale de la grande cause à laquelle nous sommes attachées, nous avons, à l’exemple de l’Amérique, de l’Angleterre, de la Suisse, de l’Italie, fondé en France une Société à laquelle viendront apporter leur concours tous ceux qui pensent que le temps est venu de donner à la femme, dans la famille et ailleurs, la place qui lui est due…

« … Notre humble Société a besoin d’être consacrée. Une adhésion de vous aux réformes qu’elle poursuit serait, pour toutes les