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NOTES.

triomphant ; vous qui avez fait taire l’odieuse clameur des louanges prostituées pour faire entendre au monde

La voix qui dit : Malheur, la bouche qui dit : Non !

Hélas ! le malheur que vous prédisiez est venu. Il est venu trop prompt, et surtout trop complet.

Notre génération, notre ville, commencent à jeter vers l’avenir un regard d’espérance. Notre nef est de celles qui ne sombrent jamais. Fluctuat nec mergitur. Puisque les brumes du présent ne vous obscurcissent pas l’avenir, quittez l’arche, vous qui planez sur les hauteurs, donnez vos grands coups d’aile, et puissions-nous bientôt vous saluer rapportant à ceux qui douteraient encore le rameau vert de la république !

M. Victor Hugo a répondu :

Monsieur le président du conseil municipal de Paris,

Je suis profondément ému de vos éloquentes paroles. Y répondre est difficile, je vais l’essayer pourtant.

Vous m’apportez un mandat, le plus grand mandat qui puisse être attribué à un citoyen. Cette mission m’est donnée de représenter, dans un moment solennel, Paris, c’est-à-dire la ville de la république, la ville de la liberté, la ville qui exprime la révolution par la civilisation, et qui, entre toutes les villes, a ce privilège de n’avoir jamais fait faire à l’esprit humain un pas en arrière.

Paris — il vient de me le dire admirablement par votre bouche — a confiance en moi. Permettez-moi de dire qu’il a raison. Car, si par moi-même je ne suis rien, je sens que par mon dévouement j’existe, et que ma conscience égale la confiance de Paris.

Il s’agit d’affermir la fondation de la république. Nous le ferons ; et la réussite est certaine. Quant à moi, armé de votre mandat, je me sens une force profonde. Sentir en soi l’âme de Paris, c’est quelque chose comme sentir en soi l’âme même de la civilisation.

J’irai donc, droit devant moi, à votre but, qui est le