Messieurs, il y a là une intrigue ! Une intrigue, vous dis-je ! J’ai le droit de la fouiller. Je la fouille. Allons ! le grand jour sur tout cela !
Il ne faut pas que la France soit prise par surprise et se trouve, un beau matin, avoir un empereur sans savoir pourquoi ! (Applaudissements.)
Un empereur ! Discutons un peu la prétention.
Quoi ! parce qu’il y a eu un homme qui a gagné la bataille de Marengo, et qui a régné, vous voulez régner, vous qui n’avez gagné que la bataille de Satory ! (Rires.)
À gauche. — Très bien ! très bien ! — Bravo !
M. Émile de Girardin. — Il l’a perdue.
M. Ferdinand Barrot[1]. — Il y a trois ans qu’il gagne une bataille, celle de l’ordre contre l’anarchie.
M. Victor Hugo. — Quoi ! parce que, il y a dix siècles de cela, Charlemagne, après quarante années de gloire, a laissé tomber sur la face du globe un sceptre et une épée tellement démesurés que personne ensuite n’a pu et n’a osé y toucher, — et pourtant il y a eu dans l’intervalle des hommes qui se sont appelés Philippe-Auguste, François Ier, Henri IV, Louis XIV ! Quoi ! parce que, mille ans après, car il ne faut pas moins d’une gestation de mille années à l’humanité pour reproduire de pareils hommes, parce que, mille ans après, un autre génie est venu, qui a ramassé ce glaive et ce sceptre, et qui s’est dressé debout sur le continent, qui a fait l’histoire gigantesque dont l’éblouissement dure encore, qui a enchaîné la révolution en France et qui l’a déchaînée en Europe, qui a donné à son nom, pour synonymes éclatants, Rivoli, Iéna, Essling, Friedland, Montmirail ! Quoi ! parce que, après dix ans d’une gloire immense, d’une gloire presque fabuleuse à force de grandeur, il a, à son tour, laissé tomber d’épuisement ce sceptre et ce glaive qui avaient accompli tant de choses colossales, vous venez, vous, vous voulez, vous, les ramasser après lui, comme il les a ramassés, lui, Napoléon, après Charlemagne, et prendre dans vos petites mains ce sceptre des titans, cette épée des géants ! Pour quoi faire ? (Longs applaudissements.) Quoi ! après Auguste, Augustule ! Quoi ! parce que nous
- ↑ Sénateur de l’empire, à 30, 000 francs par an.