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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

LE CONNÉTABLE, au roi.

Sire, nous l’allons pendre, et sans miséricorde.

À Aïrolo.

Marche, brigand !

LE ROI.

Marche, brigand ! Ôtez de son cou cette corde.
Détachez-le.

Les archers ôtent la corde du cou d’Aïrolo et lui délient les bras.
LE CONNÉTABLE.

Détachez-le. Mais quoi, sire !…

LE ROI, à Aïrolo.

Détachez-le. Mais quoi, sire !… Tombe à mes pieds,
Sacripant ! je te fais grâce.

AÏROLO.

Sacripant ! je te fais grâce. Vous m’ennuyez !

LE ROI.

Comment !

AÏROLO.

Comment ! On vous connaît. Vous êtes une altesse
Faite de cruauté, mais avec petitesse.
Il vous plaît de jouer avec un patient,
Par petite bouchée, en vous rassasiant
Lentement, de sa peur, puis de son espérance,
Et votre volupté s’extrait de la souffrance ;
On cesse, on recommence, et vos bourreaux contents
Font durer le supplice et le plaisir longtemps.
Cette corde qui semble inerte sur le sable
Est un serpent, et saute au cou du misérable.
J’aime mieux en finir tout de suite. En avant !
Dès que j’aurais pris goût à me revoir vivant,
Vous me ressaisiriez. C’était une ironie,
Brute ! Et je referais les frais d’une agonie,
Et vous ririez ayant en réserve toujours