Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MILTON, avec vivacité.
Vous pourriez me traiter de façon plus civile !

Je suis fils d’un notaire, alderman de sa ville.

CROMWELL.
Là, ne vous fâchez pas. Je sais aussi fort bien

Que vous êtes, Milton, grand théologien.
Et même, mais le ciel compte ce qu’il nous donne,
Bon poëte, — au-dessous de Wither et de Donne !

MILTON, comme se parlant à lui-même.
Au-dessous ! que ce mot est dur ! — Mais attendons.

On verra si le ciel m’a refusé ses dons !
L’avenir est mon juge. — Il comprendra mon Ève,
Dans la nuit de l’enfer tombant comme un doux rêve,
Adam coupable et bon, et l’archange indompté
Fier de régner aussi sur une éternité,
Grand dans son désespoir, profond dans sa démence.
Sortant du lac de feu que bat son aile immense ! —
Car un génie ardent travaille dans mon sein.
Je médite en silence un étrange dessein.
J’habite en ma pensée, et Milton s’y console. —
Oui, je veux à mon tour créer par ma parole.
Du créateur suprême émule audacieux.
Un monde, entre l’enfer, et la terre, et les cieux.

LORD ROCHESTER, à part.
Que diable dit-il là ?
HANNIBAL SESTHEAD, aux bouffons.
Risible enthousiaste !

CROMWELL.
Il regarde Milton en haussant les épaules.
C’est un fort bon écrit que votre Iconoclaste.
Quant à votre grand diable, autre Léviathan,
Il rit.
C’est mauvais.
MILTON, indigné, entre ses dents.
C’est Cromwell qui rit de mon Satan !