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AUX LECTEURS D’HIER
ET AUX LECTEURS DE DEMAIN.

Cette publication suspendue pendant neuf années, de 1914 à 1923, aurait dû être achevée en 1919. La coupable, c’est la guerre.

En août 1914 le volume Quatrevingt-treize était prêt et allait paraître ; les bon à tirer étaient donnés, on ne croyait pas alors à une si longue durée de la guerre, on prévoyait encore moins les cruelles surprises de la paix.

Le livre fut durement frappé : hausse considérable des prix du papier, de la main-d’œuvre (composition, brochage). La librairie de luxe retrouverait-elle une clientèle disposée à consentir de sévères sacrifices ?

Ces questions ont été résolues ; des concours intelligents et clairvoyants ont assuré la publication des quatorze volumes qui compléteront cette édition unique ; des souscriptions ont été recueillies.

Nous devons néanmoins, après une aussi longue interruption, éclairer les lecteurs futurs sur le passé de cette édition et sur son avenir.

On croit connaître Victor Hugo par les innombrables éditions qui ont été publiées. Il y a un Victor Hugo inconnu, un Victor Hugo inédit.

Il fut une époque où Victor Hugo qualifiait de copeaux les notes et les fragments qu’il reléguait dans ses tiroirs, mais il s’aperçut bien vite que les manuscrits s’accumulaient en grand nombre ; que, tout d’abord négligés, abandonnés ou réservés, ils constituaient des éléments intéressants de son œuvre, des renseignements précieux sur ses conceptions, les évolutions de sa pensée, la marche de son travail ; que des fragments, des chapitres même inédits, s’entassaient dans des dossiers ; il exprima alors dans son testament la volonté formelle que tout ce qu’il avait écrit fût publié ; il imposa à ceux qui lui survivraient la publication de ses innombrables inédits. Il fallait leur trouver une place et les rattacher aux œuvres déjà parues.

C’est ainsi que Paul Meurice, après avoir publié un certain nombre de volumes posthumes, conçut le plan de cette édition de l’Imprimerie Nationale. Il n’hésita pas à assumer cette lourde tache à l’âge de 84 ans.

Il fit paraître trois volumes : Notre-Dame de Paris, les Contemplations, un volume de théâtre : Marie Tudor, la Esmeralda, Ruy Blas, Les Burgraves.

Il avait déjà envoyé à l’imprimerie le quatrième volume : le Rhin, il en avait reçu les premières épreuves lorsque la mort le surprit en décembre 1905.

Je l’avais vu la veille, en parfaite santé. Le lendemain il était mort subitement.

Je fus désigné pour remplacer Paul Meurice, dont j’avais été pendant bien des années le confident et l’ami. À dater de 1906 je publiai vingt-trois volumes auxquels il faut joindre le vingt-quatrième : Quatrevingt-treize ; soit, en ajoutant les quatre volumes publiés par Paul Meurice, vingt-huit volumes en tout.

Il m’a semblé qu’après un intervalle de neuf années il était nécessaire de fixer le caractère de cette grande édition par un aperçu du passé.