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XVI



C’était un grand château du temps de Louis treize.
Le couchant rougissait ce palais oublié.
Chaque fenêtre au loin, transformée en fournaise,
Avait perdu sa forme et n’était plus que braise.
Le toit disparaissait dans les rayons noyé.

Sous nos yeux s’étendait, gloire antique abattue,
Un de ces parcs dont l’herbe inonde le chemin,
Où dans un coin, de lierre à demi revêtue,
Sur un piédestal gris, l’hiver, morne statue,
Se chauffe avec un feu de marbre sous sa main.

O deuil ! le grand bassin dormait, lac solitaire.
Un Neptune verdâtre y moisissait dans l’eau.
Les roseaux cachaient l’onde et l’eau rongeait la terre.
Et les arbres mêlaient leur vieux branchage austère,
D’où tombaient autrefois des rimes pour Boileau.

On voyait par moments errer dans la futaie
De beaux cerfs qui semblaient regretter les chasseurs ;
Et, pauvres marbres blancs qu’un vieux tronc d’arbre étaie,
Seules, sous la charmille, hélas ! changée en haie,
Soupirer Gabrielle et Vénus, ces deux sœurs !

Les manteaux, relevés par la longue rapière,
Hélas ! ne passaient plus dans ce jardin sans voix.
Les tritons avaient l’air de fermer la paupière.
Et, dans l’ombre, entr’ouvrant ses mâchoires de pierre,
Un vieux antre ennuyé bâillait au fond du bois.

Et je vous dis alors : — Ce château dans son ombre
A contenu l’amour, frais comme en votre cœur,