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NOTES DE L’ÉDITEUR.



I

HISTORIQUE DU RHIN.


Il y a lieu, pour le volume du Rhin, d’intervertir l’ordre accoutumé de cette Édition et de placer, avant la description du manuscrit, la Notice historique, qui va éclairer et préparer les remarques sur le manuscrit lui-même.

Le Voyage proprement dit comprend, dans le livre, deux années : 1838 et 1839. Il y en eut en réalité trois : 1838, 1839 et 1840. Établissons les faits tels qu’ils se sont passés.

Le voyage de 1838 ne fut, à vrai dire, qu’une excursion de deux ou trois semaines. Le 11 août, Victor Hugo venait d’achever Ruy Blas ; il ne devait lire la pièce aux acteurs que vers le 1er  septembre ; il avait devant lui une vingtaine de jours, il en profita pour aller respirer un peu hors de Paris. Depuis longtemps il avait projeté un voyage au Rhin ; il résolut d’en faire au moins cette fois les premières étapes. Il ne poussa cependant pas plus loin que Varennes et Vouziers et n’eut le temps d’écrire que trois ou quatre lettres. Il rentra dans les derniers jours d’août à Paris.

L’année suivante (1839), dans ce même mois d’août, il travaillait au drame des Jumeaux. Arrivé au milieu du troisième acte, il se sentit pris de fatigue et il laissa de côté sa pièce, se promettant de la reprendre après un repos. Ce repos fut un voyage, un long voyage. Et ce fut son premier voyage au Rhin.

Il quitta Paris le 25 août et alla directement à Strasbourg. Il remonta le Rhin jusqu’à la cataracte, puis visita la Suisse et le midi de la France et revint à Paris par la Bourgogne. Il avait écrit en chemin de nombreuses lettres décrivant les villes et les paysages et racontant couramment les incidents du voyage, avec des parenthèses d’histoire et des échappées de philosophie et de rêve.

Mais il n’avait pas vu dans ce premier voyage la région typique du Rhin, la région pittoresque et poétique des burgs et des légendes, celle qui s’étend de Cologne à Bingen. C’est en 1840 qu’il fit ce beau parcours. Il prit cette fois le chemin de la Belgique, trouva le Rhin à Cologne et le remonta jusqu’à Mayence. Il faisait escale à tous les villages, il s’arrêtait à toutes les ruines, il mit près de deux mois à cette exploration d’une vingtaine de lieues, qu’on peut expédier en une journée. Il revint par Francfort et par Heidelberg.

L’année d’après, en 1841, Victor Hugo fut nommé de l’Académie. Il était dans la force de l’âge, en possession de sa renommée, il avait la légitime ambition de prendre part à la vie publique de son pays. Ne payant pas le cens, alors nécessaire, il n’avait pu être élu député ; mais, membre de l’Académie, il pouvait être fait pair de France. Cependant les chefs-d’œuvre du poète ne lui constituaient peut-être pas des titres suffisants pour prétendre à la haute assemblée, il était bon qu’il fit acte d’homme politique. La question de la rive gauche du Rhin était, dans le moment, à l’ordre du jour. Victor Hugo se reporta au récent